La Blockchain comme outil pour un monde plus équitable

La Blockchain était la pièce manquante…

Les nouvelles technologies, synonymes de progrès

De l’invention de l’imprimerie, en passant par la machine à vapeur, le moteur à explosion, les télécommunications et enfin internet, toutes les avancées technologiques ont transformé la civilisation humaine sur les décennies qui ont suivies.

Ces progrès technologiques ont permis à l’homme de répondre à ses besoins, du plus élémentaire comme sa propre survie, à son auto-réalisation par sa sensibilité et sa créativité.

C’est ainsi que les progrès de la médecine ont permis de faire passer l’espérance de vie de 35–40 ans en 1800, à 80 ans en Europe aujourd’hui notamment grâce à une baisse drastique du taux de mortalité infantile. Avec les nouvelles techniques agricoles, l’homme peut se nourrir plus facilement suite à une hausse exponentielle de la productivité permettant un recul significatif de l’extrême pauvreté dans le monde depuis des décennies.

Le travail a lui aussi profité de ces évolutions technologiques, grâce à l’émergence des machines industrielles, le travail pénible est peu à peu remplacé par de l’outillage de plus en plus performant. Ainsi, 100 agriculteurs sont remplacés par 1 tracteur et une moissonneuse batteuse. Le temps de travail ne fait que diminuer, les distances se réduisent elles aussi grâce au progrès des transports. Enfin, l’information n’a jamais aussi bien circulée grâce au web, permettant le partage massif des connaissances.

On doit notre niveau actuel de vie aux énergies fossiles découvertes aux 18 et 19e siècles. L’humanité n’a jamais connu autant de confort qu’auparavant bien que l’industrialisation du monde économique qui a façonné notre société ces 2 derniers siècles est source d’inégalités. Si bien que tout le monde ne profite pas de la même manière de ces progrès techniques.

Aujourd’hui, nous connaissons une multitude de révolutions technologiques en un temps extrêmement court par rapport au passé. A titre de comparaison, l’imprimerie de Gutenberg a mis près d’un siècle pour s’insérer dans la vie de tous les jours, alors que le web (à ne pas confondre avec internet) n’a que 30 ans et est devenu un socle indéniable de notre société toujours plus digitalisée. Cette accélération rend obsolète les institutions qui nécessitent un temps d’adaptation beaucoup plus long que la cadence actuelle du monde économique et consumériste. Cela impacte aussi l’éducation, une partie considérable des métiers de nos enfants n’existe pas encore et une partie des métiers pour lesquels ils se forment vont probablement disparaître. Enfin, tous ces progrès techniques demandent toujours plus de ressources naturelles et le concept de croissance infinie se retrouve face au mur.

Blockchain, AI, robotique, VR/AR, informatique quantique, thérapie génique … une dizaine de révolutions se produisent actuellement. Le grand défi de notre époque est de moderniser les institutions au même rythme que le progrès technique afin d’éviter d’avoir un monde à deux vitesses: l’une politique et l’autre technologique. Dans cet article, nous nous concentrerons sur les technologies qui touchent au digital dont, vous l’aurez compris, la Blockchain, car les enjeux sont à la fois politiques, économiques et sociaux.

En effet, la démocratie directe n’a jamais été aussi accessible qu’avec toutes ces nouvelles technologies digitales. La pièce manquante à cette possibilité était la nécessité d’authentifier l’échange d’informations sur le web, qui est actuellement centralisé via des serveurs privés détenus par des entreprises capitalistes que nous connaissons tous bien. La blockchain permet la décentralisation des échanges d’informations en les certifiant via une multitude de nœuds. Plus encore, elle permet de créer des “dapps” (decentralized applications) qui, au lieu de s’exécuter à partir d’un serveur central, se déploie sur une multitude de serveurs potentiellement répartis partout dans le monde et maintenus par tout type d’acteurs (citoyen, entreprise, institution…).

Nous passons d’un monde profondément hiérarchique et centralisé à un monde open source, de pairs, de coopératives, de réseaux décentralisés et de plus en plus automatisé…

Pourquoi la blockchain?

La technologie Blockchain, ou de registres distribués, a de nombreux avantages dans différents types de scénarios.

Comme l’écrit Olivier Marchal dans sa thèse :

 

“Il y a d’abord le registre distribué permettant d’assurer une gestion des données traçables et auditables dans le temps sans être simplement une base de stockage mais un réel outil assurant la collaboration, l’interopérabilité et la destruction des silos de données. Vient ensuite le protocole de transaction en lui-même qui va assurer le transfert sécurisé de valeurs.”. Etude qualitative du profil, des caractéristiques et de l’organisation de l’offre de technologie blockchain en Wallonie, Marchal O., 2020.

Le premier volet est très utile lorsqu’il s’agit de faire collaborer différentes entités ensemble. Il est désormais possible de créer une place d’échange ouverte (pour des transactions, des transferts de titres de propriété, de l’art…) et accessible à tous les stakeholders facilement, instantanément et partout dans le monde sans qu’aucune partie ne puisse cacher quelque chose aux autres. L’information est symétrique et immuable.

Une autre caractéristique de la Blockchain est qu’il est désormais possible de rendre une information unique contrairement à l’internet traditionnel où tout est copiable. Il est donc désormais possible de s’échanger de l’art numérique à exemplaire unique par exemple. Dans le gaming, on parlera de “collectible” (une épée, une tunique, un cryptokittie…).

Ensuite, les contrats intelligents (ou Smart Contracts) vont quant à eux permettre d’automatiser des conditions contractuelles entre plusieurs parties. Par exemple, on pourra être remboursé d’un billet d’avion s’ il y a un retard de plus de 6 heures. Que ce soit des conditions de ventes, conditions de paiement, conditions climatiques, tout est possible avec l’intervention d’oracles (dispositif IoT, information numérique ou personne physique qui viennent insérer des données dans la Blockchain).

Tous ces éléments-là bien compris, on peut imaginer un internet décentralisé où les utilisateurs interagissent directement entre eux sans l’intermédiaire de géants du web. Un Facebook sans le contrôle de Zuckerberg, un Airbnb sans Chesky, un Uber sans Khosrowshahi, un Goldman Sachs sans Solomon… Une gouvernance décentralisée pourrait gérer de manière démocratique et participative l’évolution de chacune de ces applications.

La place de l’information

Même si l’information et la connaissance n’ont jamais aussi bien circulés, les masses se laissent facilement manipuler par des gatekeepers qui vont habilement sous-représenter certains sujets sensibles ou au contraire sur-représenter le futile pour détourner le regard de ce qui compte vraiment. C’est ainsi que le rôle de base de l’information, à savoir informer, s’est transformé en une forme d’endoctrinement des masses. A contrario, ce phénomène désormais bien connu provoque un rejet systématique des médias qui sont accusés de comploter avec les lobbys et gouvernements et laisse la porte ouverte à de nombreuses fantaisies sur les réseaux sociaux.

En parlant des réseaux sociaux, ceux-ci sont régis par des algorithmes qui vont sélectionner le contenu à afficher pour chaque utilisateur. Il s’agit de véritables boîtes noires qui obéissent à un obscur programmateur dont le but ultime est de capter votre temps d’attention. Il ne faut néanmoins pas sous-estimer le pouvoir décisionnel de l’attention de masse sur le futile qui est beaucoup plus aguicheur que l’informatif et qui, dans un système orienté client, aura tendance à produire davantage de contenu qui sied au plus grand nombre.

Nous croyons qu’un réseau décentralisé où créateur de contenu et audience se rencontrent directement, aurait une valeur tout autre. Il n’y aurait plus de gatekeepers ni d’agenda setting, l’audience définit elle-même le contenu considéré comme intéressant ou futile. Un tel système ne peut marcher que si l’audience est suffisamment mature à ce type de démarche car contrairement aux médias traditionnels qui ont un rôle de critique des sources, une plateforme de ce type nécessiterait un travail de fond sur l’origine et la véracité du contenu. On pourrait imaginer des garde-fous indépendants qui appliquent des méthodes précises de critique des sources en échange d’un label de qualité. Le défi serait d’écarter toute tentative de concentration du pouvoir au sein de ces garde-fous. On trouve déjà des plateformes comme Steemit qui permettent à l’audience de donner des “tips” aux créateurs de contenu. La valeur serait distribuée par l’audience elle-même et irait vers les créateurs les plus divertissants et créatifs ou les plus informatifs, d’où l’importance d’une audience qualifiée pour éviter une dégradation généralisée du contenu.

Une économie coopérative

Depuis toujours, on voit une condensation des capitaux dans les grandes entreprises, les banques et l’élite. La blockchain permet de redistribuer la valeur entre tous les utilisateurs. Uber et Airbnb ont commencé la transformation de l’économie avec l’ubérisation des services. Mais ces entreprises doivent s’effacer pour laisser l’écosystème vivre par lui-même: il faut imaginer aller plus loin que le modèle actuel. La blockchain permet de rendre un service digital public et détenu par ses utilisateurs.

Dans le cas d’Airbnb, il y a des hôtes et des guests et au milieu Airbnb qui gère la modération, assure les hôtes, la maintenance de la plateforme et fournit le support. Airbnb prend donc une commission sur les transactions pour payer tout ce petit monde et rémunérer les actionnaires. Imaginons maintenant de totalement désintermédier Airbnb:

On aurait toujours les hôtes et les guests mais on exploserait l’entreprise Airbnb dans l’écosystème sous forme d’entités indépendantes. Un modérateur serait une personne indépendante qui va décider de contribuer au bon fonctionnement de la plateforme en échange d’une rémunération perçue directement et sans employeur. Ou encore, tout assureur pourrait proposer ses services aux hôtes. Chacun étant soumis à l’évaluation des hôtes, considérés hypothétiquement comme honnêtes.

Pour construire des projets tel que Airbnb, il faut bien entendu des investisseurs donc des futurs actionnaires. Les systèmes blockchain permettent de lever des fonds via des ICO (initial coin offering) ou STO (security token offering), ouvertes à tous et même aux particuliers car le projet tombe dans l’intérêt public. Une fois la levée de fonds effectuée, le projet est développé et ensuite déployé sur un réseau public où tous les utilisateurs concernés pourront venir se greffer au réseau de manière totalement indépendante. Ils doivent juste être d’accord avec les règles du jeu qui ont été réfléchies avec leur contribution. En résumé, les employés sont remplacés par des indépendants, on ouvre l’actionnariat aux particuliers et on remplace les syndicats par un système participatif de gouvernance décentralisée qui permettra aux utilisateurs de décider de la direction que doit prendre l’écosystème (mises à jour etc.). Tout ça nécessite une maturité très avancée de l’écosystème, il faut penser les règles les plus pragmatiques possibles. Et si le système n’est pas encore au point, il s’agit de réaliser une mise à jour, avec l’accord de la majorité des utilisateurs. Enfin, pour éviter tout statut précaire des travailleurs, la rémunération de chacun fera l’objet d’un consensus entre toutes les parties prenantes (offre et demande, salaire minimum, toutes sortes de règles équitables peuvent être établies).

Notre but en tant qu’experts Blockchain est de promouvoir et développer cette technologie pour le plus grand nombre, car nous avons trop longtemps utilisé les services d’intermédiaires dont on peut désormais se passer, il est temps de désintermédier l’information et l’économie.

Tous les jours nous faisons confiance aux gatekeepers, ils font partie de notre vie, que ce soit notre banque, nos réseaux sociaux, nos médias favoris, ils ont tous besoin de notre confiance et certains en abusent: shadow banking, corruption, détournement d’argent public, rumeurs et fake news. Certains individus sont même exclus de ces services (personnes non bancarisées…).

L’accès à l’information est un droit dans la plupart des pays, l’accès à internet doit donc découler de ce droit pour donner à tous l’opportunité de participer à cette nouvelle économie.

Le retour à un État Providence

Pour changer le monde, il faut agir sur sa base: le système monétaire, en redirigeant les flux vers la vraie économie et le développement durable. Une réponse possible serait la mise en place d’un système participatif et transparent basé sur un protocole décentralisé permettant à des instances étatiques composées d’experts et d’institutions citoyennes de décider et de voter l’allocation des ressources financières d’un État. Une sorte de compte bancaire partagé où les détenteurs (les citoyens) pourraient décider de son utilisation. Le groupe d’experts élus aurait pour but de valoriser les grandes problématiques avant de proposer des projets de lois soumis au vote direct via une plateforme décentralisée. Encore une fois, ce mode de fonctionnement sous-entend une responsabilisation et un devoir d’information des citoyens sur les grandes problématiques.

Cette démarche pourrait provoquer un mouvement à contre-courant du capitalisme et de la course à la rentabilité destructrice. L’argent émis par les banques centrales ne serait plus distribué systématiquement aux banques qui elles-mêmes investissent sur les marchés spéculatifs en raison de leur rentabilité, mais l’argent pourrait être distribué par l’État et alloué à des projets de développement durable, économique et social. Avec une monnaie programmable qui se meut sur un réseau décentralisé et transparent, les citoyens pourront suivre tous les mouvements de fonds et s’assurer de leur bonne utilisation.

Le passage nécessaire à une sobriété énergétique est également de mise pour ralentir la course à la production. Notre société est dépendante des énergies fossiles, pour se déplacer, se chauffer, fabriquer du plastique… avant de diminuer drastiquement les investissements dans ces secteurs, il faut prévoir la transition en renforçant lourdement la recherche et développement dans les alternatives durables comme les biobatteries, le bio-photovoltaïque ou encore l’hydrogène.

Il faudrait également changer les mentalités et former une nouvelle humanité plus solidaire, pour cela il faut investir prioritairement dans une adaptation continue de l’éducation pour former et responsabiliser chaque individu.

Préparer la transition vers une société auto-financée

Concernant le travail, un shift est également nécessaire mais il doit se faire de manière progressive. Le temps de travail a diminué d’environ 30 % depuis les années 1950, et la tendance se poursuit. Avec les nouvelles technologies telles que l’industrie 4.0, l’IA et la Blockchain, nous pouvons imaginer un monde où tout travail répétitif et éreintant serait automatisé, ce qui entraînerait une réduction systémique du nombre d’heures de travail et l’épanouissement de la créativité humaine au travail. Cela ouvrirait la porte à un système de revenu universel basé sur l’autofinancement de la société.

 

Selon Liêm Hoang-Ngoc deux branches existent pour l’allocation universelle : une marxiste et une libérale ; la branche marxiste s’inspirerait de l’Introduction générale à la critique de l’économie politique, ouvrage dans lequel Karl Marx imagine le développement d’une société où l’humanité sera sortie du salariat et dans laquelle les machines seules assureront la création de richesses, qui seront reversées sous la forme d’un « revenu socialisé universel ». La branche libérale considère qu’il convient d’accorder une certaine somme d’argent aux citoyens, tantôt « filet de sécurité », tantôt « capital de départ », pour qu’ils puissent consommer et participer à la vie de la société. À chacun, ce faisant, d’organiser ses dépenses comme il l’entend.

Cela va de pair avec une population plus instruite car on vise la disparition des métiers pénibles et la nécessaire reconversion de ces emplois vers des qualifications d’une nouvelle nature qui sollicitent plutôt la créativité et l’inventivité des êtres humains. Pour que tout le monde en profite, les nouvelles technologies d’automatisation telles que l’IA et la robotique doivent êtres au service de l’homme et non majoritairement d’entités privées. C’est pourquoi la population doit être le principal bénéficiaire de l’exploitation des richesses du sol. La blockchain permettrait une gestion transparente et partagée des ressources.

Quant au secteur privé, les entreprises privées devraient se convertir vers des organisations coopératives détenues entièrement ou partiellement par les employés. La blockchain serait un outil incontournable pour exploser la gestion centralisée des entreprises vers une horizontalité ordonnée.

Conclusion

Même si cette vision peut paraître parfois utopiste, parfois simpliste, c’est à nous, innovateurs, leaders de demain, politiques, experts, d’utiliser nos compétences à bon escient pour faire de demain un monde meilleur où l’homme se libérera du fardeau de la productivité, de l’escalavage moderne et de l’utopie belliqueuse du plus petit nombre.

Il ne faut pas avoir peur de la technologie, il faut l’utiliser au service de l’homme et de son environnement car trop souvent nous avons favorisé le progrès quantitatif plutôt que qualitatif. Progrès qui doit s’ouvrir et englober plus que nos simples intérêts en tant qu’êtres humains mais nos intérêts en tant que communauté du vivant sur terre.

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